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Police nationale : le retrait d’habilitation de l’OPJ, une sanction particulière

La Chambre criminelle de la Cour de cassation a récemment eu l’occasion d’apporter des précisions sur la nature de la procédure de retrait de l’habilitation d’un Officier de police judiciaire prévue par les articles R.15-2 et R.15-6 du code de procédure pénale.


Rappelons si besoin est que l’habilitation d’un Officier de police judiciaire est indispensable à ce dernier pour exercer pleinement l’ensemble des prérogatives attachées à ses fonctions. Le retrait de cette habilitation ne prive pas l’agent de sa qualité de fonctionnaire de police mais il ne peut plus exercer les prérogatives liées à sa qualité d’OPJ.


Dans un arrêt du 8 janvier 2019, la Chambre criminelle de la Cour de cassation, confirmant le jugement de la Commission de recours des Officiers de police judiciaire, a jugé dans un premier temps que « une mesure de retrait ou de suspension de l'habilitation à exercer des fonctions d'officier de police judiciaire ne saurait être assimilée à une accusation en matière pénale ».


La Chambre criminelle prend soin ici de valider l’argumentation de la Commission de recours des Officiers de police judiciaire pour écarter la notion d’accusation en matière pénale. Ainsi, le retrait de l’habilitation d’OPJ ne saurait être assimilé à une accusation en matière pénale dès lors que cette habilitation n’a pour effet que d’empêcher «l’accomplissement de certains actes de procédure pénale directement liés à cette habilitation » sans pour autant entraîner pour le fonctionnaire de police une modification statutaire, une modification de son grade ou de ses attributions, sous réserve pour ces dernières, de la suppression des attributions liées à son habilitation.


La Chambre criminelle rappelle également que la procédure de retrait d’habilitation d’un Officier de police judiciaire est indépendante des poursuites pénales et « ne vise pas à sanctionner des infractions ». Il faut entendre par là que la procédure de retrait d’habilitation vise des manquements administratifs, déontologiques, lesquels ne revêtent pas nécessairement une qualification pénale (ex : le refus d’obéir à un ordre direct du Procureur de la République peut constituer pour l’OPJ une faute au sens administratif du terme sans que cela ne soit pénalement condamnable).


Par ailleurs, la Cour de cassation précise que le retrait de l’habilitation de l’Officier de police judiciaire n’emporte ni mesure privative de liberté, ni sanction financière.


A l’aune de l’ensemble de ces critères, la Cour de cassation confirme que la procédure de retrait d’une habilitation d’un Officier de police judiciaire n’a pas la nature d’une accusation pénale.


La Cour de cassation juge ensuite que la procédure de retrait d’habilitation d’un Officier de police judiciaire est une mesure disciplinaire particulière. Il faut entendre par là qu’il s’agit d’une procédure disciplinaire spécifique à la qualité d’OPJ de l’agent concerné et que cette procédure ne s’inscrit pas dans le même cadre juridique que la procédure disciplinaire générale applicable à tout fonctionnaire de police, OPJ ou non.


Par ailleurs, bien qu’étant ad hoc, cette procédure disciplinaire n’est pas considérée par la Cour de cassation comme attentatoire à l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme quand bien même le Procureur de la République est l’unique personne qui l’initie, met en œuvre la procédure de sanction puis prononce ladite sanction de retrait d’habilitation.


La Haute juridiction écarte toute atteinte au principe d’impartialité dès lors que l’Officier de police concerné dispose de toutes les prérogatives accordées par les droits de la défense pour assurer le caractère équitable de la procédure. La Cour de cassation rappelle que l’Officier de police bénéficie du contradictoire dans la procédure en ayant accès à son dossier et en pouvant bénéficier de l’assistance d’un avocat durant les auditions.

La Chambre criminelle rappelle en outre que l’Officier de police judiciaire peut contester cette décision devant la Commission de recours des Officiers de police judiciaire, laquelle est constituée de trois magistrats de la Cour de cassation qui procèdent à un « réexamen en fait comme en droit du dossier » et réalise un contrôle de l’arrêté du Procureur de la République. La Cour de cassation rappelle enfin que l’Officier de police judiciaire peut ensuite la saisir pour qu’elle effectue elle-même un contrôle de la décision de la Commission sous l’angle de la violation de la loi.


Au regard de l’ensemble de ces garanties, la Cour de cassation considère que la procédure de retrait d’habilitation d’un Officier de police judiciaire est conforme à la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

Référence : Cass. Crim., 8 janvier 2019, pourvoi n° 18-82353


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